Pleure, c’est un nom qui intrigue. Et pourtant, ici, ce n’est pas la tristesse qui pleure : c’est la terre, gorgée d’eau, traversée de ruisseaux et entourée d’étangs. Ce coin du Jura a les pieds dans les zones humides et la tête dans les forêts. Et sur ses prairies bien grasses, des vaches paisibles préparent en silence le futur Comté…
Le patrimoine de Pleure, c’est d’abord un paysage : des fermes perpendiculaires à la route, la ligne droite majestueuse venant de la Chaînée-des-Coupis, un ancien calvaire oublié, et l’église Saint-Laurent, à peine connue, mais digne d’une vraie visite.
Mais c’est aussi un cœur de village – ou ce qu’il en reste : la place, l’école, la mairie (ou plutôt les mairies successives), l’ancienne poste, la boulangerie Panouillot, la fruitière, la bascule, et le monument aux morts des quatre communes sœurs : Chêne-Bernard, Pleure, La Chaînée-des-Coupis et Sergenon. Autrefois, tout s’y retrouvait : les foires, les fêtes, les marchés… Aujourd’hui, il faut fouiller un peu pour retrouver la mémoire de tout ça. Mais elle est là.
Nous nous efforçons, à notre manière, de faire le lien entre le passé et le présent, pour que l’âme du village ne se dissolve pas dans les brumes de l’oubli. Il ne s’agit pas de tout figer, ni d’empêcher le changement – mais de rappeler que le présent gagne toujours à respecter ce qui l’a précédé, plutôt que de tout détruire ou bousculer sans mémoire.
En s’écartant un peu, vers Sergenon ou Chêne-Bernard, on tombe sur la fruitière, où le Comté vieillit tranquillement dans ses caves. Bleu de Bresse, Morbier, beurre doux ou salé : l’âme fromagère du coin n’a pas disparu, même si la “fromagerie” d’hier a changé de nom.
Car tout n’est pas que souvenirs. Pleure a aussi ses passions bien actuelles. Depuis 1965, le club de football du village fait courir des générations entières derrière un ballon – et parfois derrière la buvette. C’est une histoire d’efforts collectifs, de maillots lavés au dernier moment, de terrains boueux et de petites victoires qui comptent plus qu’on ne le croit. Le foot ici, ce n’est pas juste du sport : c’est une façon d’habiter le village.
Pleure, c’est aussi un passé qu’on devine plus qu’on ne le voit. La motte féodale ? Disparue. La scierie ? Fermée, mais encore visible. La gare ? Un souvenir pour quelques anciens. La ligne de démarcation ? Toute proche, à Parcey. Jusqu’en novembre 1942, Pleure était encore en zone libre… Le blason du village, lui, n’a pas oublié : en son centre, un Y doré symbolise la rencontre de la Dorme et du Roselet – deux ruisseaux qui relient nos villages, pour peu qu’on sache encore les écouter.